Maladie de Lyme chronique: un scandal médical à condamner!

English: Chronic Lyme disease: A scam that should be condemned!

Original en anglais: Médecine et Maladies Infectieuses, 2019

Auteurs

Dr. Marc Gentilini, Maladies infectieuses et tropicales, parasitologie, santé publique, Académie nationale de médecine, Paris, France

Dr. François Bricaire, Maladies infectieuses et tropicales, médecine interne, Académie nationale de médecine, Paris, France


Voici beaucoup trop longtemps maintenant que s’amplifie une polémique sur la maladie de Lyme. Voici qu’hélas dans la rubrique des infections émergentes, certains voudraient voir émerger une hypothétique forme de Lyme dit « chronique » susceptible d’expliquer les symptômes subjectifs dont se plaignent nombre de patients, prétendument victimes de cette infection en dépit d’examens négatifs et de signes cliniques sans rapport avec elle.

Voici que maintenant cette diatribe irrationnelle reprise par une grande partie des médias, orchestrée par des adeptes « du Lyme chronique », médecins, associations de malades et maintenant responsables politiques prend une ampleur tout aussi aberrante qu’inquiétante. Car au-delà des contre-vérités assenées par des soit disant médecins spécialisés dans le Lyme affirmant détenir la vérité, par des malades auto-persuadés qu’ils sont atteints d’un lyme chronique, repris par des médias friands de fausses nouvelles et heureux de voir bafouer l’autorité médicale jusqu’ici écoutée et reconnue, ce sont des malades que l’on abuse, que l’on exploite, que l’on trompe et que l’on incite même à invectiver et menacer tous ceux qui osent contester l’existence de cette prétendue maladie.

Voici qu’aujourd’hui, ces associations prétendues de défense des malades interpellent les pouvoirs publics et le monde politique pour leur imposer de s’exprimer sur une thématique qu’ils ne connaissent pas. Ainsi le parlement européen a-t-il dû sur des attendus basés sur des contre-vérités convenir que le Lyme chronique devait être reconnu et financé. De même aux USA des pressions identiques s’appuient sur des arguments tout aussi fallacieux pour obtenir du Sénat les mêmes redoutables avancées. Et dans ce déferlement d’actions, de fausses affirmations, d’invectives diffusées sur des réseaux sociaux incontrôlables, la voix de la science de la clinique et du bon sens est devenue inaudible.

Nous avons le devoir de contribuer à rétablir la vérité, dénoncer ce retour à l’obscurantisme dont sont victimes trop de patients et même des pouvoirs publics apeurés, par ces actions maléfiques et la crédulité d’une opinion publique tragiquement manipulée.

La maladie de Lyme est une infection bien définie, bien décrite à l’instar des autres maladies infectieuses. Une bactérie responsable, la borrelia, un vecteur de transmission la tique, des manifestations cliniques précises évoluant en 3 phases successives, un diagnostic sérologique qui en dépit d’affirmation sans cesse répétées est parfaitement valide, un traitement antibiotique d’autant plus efficace que les borrelias, comme tous les spirochettes, sont très sensibles à plusieurs familles, que le choix aura été correct en respectant posologie et durée.

Le Lyme chronique est plus le reflet du difficile ressenti des multiples difficultés ou problèmes de notre société. Certes ce n’est pas nouveau que pour répondre à des pathologies aux contours flous diverses entités incertaines étaient proposées: spasmophilie, asthénie chronique, fibromyalgie ou myofasciite à macrophages…Ce n’est pas les propositions de l’HAS sur le syndrome post « piqure » de tique (SPPT) qui éclaircira cette situation et aidera nos confrères à une prise en charge satisfaisante et cohérente de ce problème. Si de nos jours la contestation de la science doublée du fantasme du complot devient la règle, si le retour à l’empirisme est valorisé, il convient de dénoncer courageusement ces dérives inadmissibles et dangereuses. 

Il est du devoir des infectiologues de désamorcer cette folie de groupes intrusifs, voire violents et même mafieux qui mettent en péril la vie des malades doublement victimes des troubles dont ils se plaignent et les traitements dont on les accable. Il est de notre devoir de mettre sérieusement en garde les pouvoirs publics des risques qu’il y a à se rendre complice de ces groupuscules dangereux. Vouloir faire plaisir à tout le monde pour ne satisfaire personne n’est pas la bonne solution pour protéger les malades dont ils ont la charge.

Le travail est difficile, mais l’enjeu est suffisamment important pour qu’il vaille d’être défendu avec conviction et acharnement.